(et en quoi il se distingue des expériences immersives technologiques)

Repenser la médiation culturelle face à l’évolution des publics
Les bibliothèques, médiathèques, lieux culturels et sites patrimoniaux sont aujourd’hui confrontés à des enjeux majeurs : diversification des publics, évolution des usages culturels, transformation du rapport à la lecture, au savoir et aux institutions.
Dans ce contexte, la médiation culturelle ne peut plus se limiter à une transmission descendante de contenus.
Elle doit proposer des formes de rencontre, capables de susciter l’attention, l’engagement et l’appropriation des œuvres et des pratiques culturelles.
C’est dans cette perspective que le spectacle immersif, pensé comme une forme de spectacle vivant, apparaît comme un outil pertinent de médiation culturelle, à condition d’être clairement distingué des dispositifs immersifs technologiques.
La médiation culturelle : favoriser l’appropriation par les publics
La médiation culturelle regroupe l’ensemble des actions visant à permettre aux publics de s’approprier les œuvres, les savoirs et les pratiques culturelles, en tenant compte de la diversité des parcours et des sensibilités.
Cette approche est au cœur des politiques culturelles contemporaines, comme le rappellent de nombreux travaux institutionnels et retours de terrain, notamment autour de la notion d’appropriation des œuvres par tous les publics
(source : Ministère de la Culture, politiques de médiation et développement culturel – exemple d’application concrète dans des projets nationaux tels que ceux menés autour du Louvre-Lens).
L’enjeu n’est donc pas de simplifier les contenus, mais de renouveler les formes de transmission, en créant des expériences capables de faire sens pour des publics variés.
Immersion : une notion souvent réduite à la technologie
Le terme « immersion » est aujourd’hui largement associé à des dispositifs technologiques : réalité virtuelle, mapping vidéo, expériences numériques interactives.
Or, cette réduction masque une réalité plus ancienne et plus profonde.
Dans le champ du spectacle vivant, l’immersion ne repose pas d’abord sur la technologie, mais sur le rapport entre le spectateur, l’espace et les interprètes.
Plusieurs recherches universitaires sur le théâtre immersif montrent que l’immersion est avant tout :
- spatiale (le spectateur évolue dans un espace non frontal),
- corporelle (le corps du spectateur est engagé dans l’expérience),
- relationnelle (la frontière scène / public est déplacée),
- narrative (le récit structure l’expérience).
Ces analyses sont notamment développées par Caroline Bouko, dont les travaux définissent le théâtre immersif comme une forme scénique reposant sur l’engagement du spectateur dans l’espace et dans la fiction.
(source : Catherine Bouko, Le théâtre immersif : une définition en trois paliers, revue Sociétés, 2016 – OpenEdition).

Le spectacle immersif comme forme de spectacle vivant
Le spectacle immersif s’inscrit pleinement dans le champ du spectacle vivant.
Il mobilise les mêmes fondamentaux : écriture, jeu d’acteur, mise en scène, rythme, présence.
La différence tient au déplacement du point de vue :
le spectateur ne reste pas face à l’œuvre, il la traverse, la rencontre, parfois l’influence.
Cette proximité crée :
- une attention accrue,
- une implication émotionnelle plus forte,
- une mémorisation durable de l’expérience.
Dans une logique de médiation culturelle, cette implication constitue un levier précieux pour permettre aux publics de s’approprier des contenus parfois perçus comme éloignés ou abstraits.
Nous pouvons cité les travaux de Catherine Cyr autour des différentes formes du spectacle immersif ambulatoire, qu’il soit contraints dans l’espace ou laisser libre.
Le rôle central du récit dans la transmission culturelle
De nombreux travaux en sciences humaines ont montré le rôle fondamental du récit dans la construction du sens et de la mémoire.
La narration permet d’organiser l’expérience, de relier les informations entre elles et de créer une compréhension incarnée des contenus.
Dans le cadre du spectacle immersif, le récit :
- donne une cohérence à l’expérience,
- structure le parcours du public,
- permet l’identification aux personnages,
- favorise l’appropriation sensible des thématiques abordées.
Dans les bibliothèques et médiathèques, cette approche trouve un écho particulier, notamment à travers des contes immersifs et des formes de récit vivant, qui renouent avec l’oralité et le plaisir de l’histoire partagée.
Le lieu culturel comme espace narratif
Le spectacle immersif transforme le lieu d’accueil en espace narratif.
Bibliothèques, médiathèques, centres culturels ou sites patrimoniaux cessent d’être de simples cadres pour devenir des éléments actifs de l’expérience.
Cette transformation permet :
- de valoriser les espaces existants,
- de proposer une autre lecture du lieu,
- de créer un rapport sensible à l’architecture et à l’histoire.
Cette approche est particulièrement pertinente dans des projets de spectacles immersifs historiques, où le récit s’ancre dans le lieu lui-même.
Une forme compatible avec les contraintes des institutions culturelles
Contrairement à certaines formes immersives technologiques, le spectacle immersif présente une grande souplesse d’adaptation.
Lorsqu’il est pensé comme spectacle vivant, il :
- nécessite peu de dispositifs techniques,
- s’adapte aux jauges et aux espaces,
- peut être modulé en durée,
- respecte les contraintes symboliques et architecturales des lieux.
Cette compatibilité en fait un outil particulièrement adapté aux :
- bibliothèques et médiathèques,
- collectivités territoriales,
- centres culturels,
- lieux patrimoniaux.
Le spectacle immersif : un outil, pas une finalité
Le spectacle immersif n’est ni un gadget, ni une simple animation.
Il ne constitue pas une fin en soi.
Lorsqu’il est conçu comme une forme de spectacle vivant, il devient un outil de médiation culturelle, au service de la transmission, de l’appropriation et de la rencontre entre les œuvres, les lieux et les publics.
Dans un contexte où les institutions culturelles cherchent à concilier exigence artistique, accessibilité et renouvellement des formats, le spectacle immersif offre une voie féconde, à condition de rester fidèle à l’essentiel :
le récit, la présence humaine et la relation au public.